Libertate Lagarul de Buletinul voluntarilor români (15 mars 1939)
André Marty et les Brigades internationales
Traduction de Lucie Guesnier:
Brigades internationales, journal des roumains
(Ce journal a été tiré à 3 exemplaires, « A », « B » et « C ». L’exemplaire « A » contient 3 originaux effectués par Grigore à l’encre diluée).
Ex. « A » :
Sommaire :
La commune de Paris… par Fl.
La commune est passée par là ! (traduction)… par Leombra
Dessin par Grigore
Depuis le paradis fasciste
Nos héros (Burg, Kirmayer)
Les événements d’une année de dictature royale par S.T.
« Universul » et « Renasterea regala » par Alejandro
Les dérivés du pétrole dans la guerre moderne par Ing.
Dessin par Grigore
Notre réponse par H.E.O.
L’Espagne à la lumière des derniers événements par Fl.
L’océan s’est révolté (traduction) par Arion
Depuis le camp par Cser
Dessin par Grigore
Notre collectif roumain par N.P.
La Sureté française prétend clore la politique de Munich par G. Peri
Aux marges du XVIIIe Congrès par R.
Le rapport du camarade Molotov
La lettre du groupe roumain du camp
pour les organisations démocratiques de France
La page des caricatures (By) par Leombra et Fl.
La poste de la rédaction
La Carmagnole
p. 0
Portrait d’André Marty (texte en espagnol)
En hommage au grand ami des combattants de la liberté, organisateur de nos glorieuses Brigades internationales, nous lui présentons l’une de nos armes actuelles, le numéro présent de notre liberté.
Le groupe roumain des anciens combattants de l’Espagne républicaine.
Page de garde :
Liberté, Bulletin des volontaires roumains, n°10-11, 15 mars 1939, « 1871, la commune de Paris », camp de concentration St.-Cyprien P.O. parait tous les deux jours.
Citations traduites en roumain :
du dirigeant communiste bulgare, Georgi Mikhailov Dimitrov.
de Lénine.
d’Engels.
p. 2-4 : La Commune de Paris.
Histoire de la Commune de Paris
p. 3. Extrait du poème d’Eugène Pottier
p.5 : dessin de Grigore
p.6
Depuis le paradis fasciste
« … face aux mairies italiennes, il y a de longues files d’attente. Ce sont des chômeurs. Les fonctionnaires leur disent : la mairie n’est pas un bureau de placement. Nous n’avons rien pour vous. Ni de travail. Ni d’argent. » (de Dépêche d. Toulouse)
Les combattants rentrés d’Abyssinie et ceux d’Espagne se retrouvent dans la même queue. Ils reçoivent la même réponse. Parfois ils perdent patience et ils crient. Soit le maire appelle la police ou alors il sort de sa poche pour leur donner un billet de 10 lires.
L’aide aux chômeurs : un bon pour ½ kg de riz, ½ kg de farine et un kg de pain pour une semaine… pour une famille. Les autorités offrent aux jeunes « du travail » en Libye. Mais ils savent que la Libye ressemble à l’Espagne alors ils refusent.
En 1922, le travailleur agricole des grandes propriétés, alors syndicalisé et signataire d’un contrat collectif, gagnait 11000 lires par an et avait un logement, du bois de chauffage, un jardin maraicher et le droit d’élever quelques porcs. Aujourd’hui, il gagne 3600 lires par an, il a un logement mais pas de bois de chauffage ; il n’a le droit qu’à six poules. En 1922, un kg de pain blanc coûtait 2,45 lires ; aujourd’hui un kg de pain noir, mélangé à de la farine de maïs coûte 3,50 lires.
Les ouvriers de l’industrie de guerre gagnent 1,35-4,45 lires par heures. Mais les ouvriers, outre les différentes cotisations, payent 446,37 lires par an au syndicat fasciste. Les prix des aliments sont énormes.
Puigcerda. Les campagnes espagnoles sont mornes, endeuillées. Les célèbres jardins de la ville sont aujourd’hui désertés et laissés à l’abandon. Dans la ville, les habitants forment de longues queues devant les cuisines communales en attendant la soupe populaire.
Un homme qui avait les moyens du temps de la République, ne peut plus aujourd’hui s’acheter du pain.
Les jeunes paysans espagnols traversent les Pyrénées vers la France, par groupes de quatre ou cinq pour chercher du travail. Nous avons faim, disent-ils. La liaison avec Barcelone n’est pas encore stabilisée.
A Barcelone, le salaire maximum des ouvriers qualifiés est de 5 pesetas par jour. Un œuf coute 10 pesetas et un kilogramme de sucre, 100 pesetas.
Les terres distribuées par la République sont rendues aux anciens propriétaires. La phalange espagnole a lancé un appel pour que les paysans se soumettent à ces décisions.
La langue catalane a été interdite.
A Gérone et Barcelone, deux officiers italiens ont été tués par les nationalistes espagnols.
L’Allemagne a reçu en cadeau 1500 avions, 1000 tanks, 60 millions or de livres sterling, les usines Skoda et les armes 40 individus.
A Prague, les rues sont vides. Personne ne sort de chez lui. Les jeunes hommes et femmes se sont accrochés sur la poitrine des badges aux couleurs nationales tchèques.
Les techniciens des usines Skoda sont partis en avion pour Londres, en emportant avec eux les plans des secrets de construction pour qu’ils ne tombent pas entre les mains des nazis.
Le nombre des membres du Parti social-démocrate hongrois a augmenté de 145 % ces trois derniers mois. Et les abonnés au Parti officieux ont augmenté de quelques milliers.
La population de la Russie subcarpatique résiste à l’avancée de la Hongrie, contre la volonté de leurs gouvernements. Les Hongrois ont connu des pertes considérables lors de l’occupation de la ville de « Hurst ».
p. 7.
Nos héros
Benjamin Burg. Ouvrier de la Bucovine, mort en juin 1937 à Huesca.
Honneur à tous les volontaires qui ont compris leur devoir et qui ont accouru pour donner de l’aide au peuple espagnol, qui avait commencé, l’arme à la main, à faire taire le fascisme dans toute l’Europe. Un salut tout particulier à toi, l’ouvrier courageux qui, pour rejoindre le lieu de ton devoir, a su affronter les plus grandes difficultés.
Né et élevé en Bucovine, ouvrier coiffeur, fils de parents pauvres, il connut les temps de la misère, de l’exploitation, de la faim et du chômage, et plus précisément les moyens de lutter contre. Il prit part aux organisations ouvrières. Il fut aussi présent à la manifestation de 1931, organisée par le PCR pour revendiquer les droits les plus fondamentaux et vitaux, le pain, le travail et la liberté. Il fut arrêté, maltraité et condamné à 8 mois. Il sortit de prison avec la tuberculose osseuse, mais moralement, encore plus convaincu. Il a fait son service militaire dans une compagnie disciplinaire : passage à tabac, faim et vexations.
Il déserta de l’armée, sans un sou, sans passeport, erra pendant 6 mois, la plupart du temps à pied, et fut arrêté à plusieurs reprises, expulsé de Tchécoslovaquie, retourné en Autriche, mais arrêté, de telle manière qu’il arriva à Paris, mort de faim et de fatigue, mais heureux de s’être rapproché de but.
En avril 1937 il arriva en Espagne. Il fut affecté en tant que mitrailleur à l’héroïque bataillon Dombrowski, avec lequel il partit au combat contre l’ennemi, poussé par la haine et la douleur que les ennemis de la classe ouvrière avaient enracinées dans sa poitrine.
Il fut tué lors de la première attaque.
Honneur à ta mémoire, cher camarade, honneur à toi !
Severin Kirmayer. Etudiant de Bucovine, mort le 3 janvier 1937.
Issu d’une famille aisée de Tchernowitz, il commença ses études universitaires à Cernovitz. Le contact avec ses collègues et les chômeurs licenciés, lui a fait comprendre les causes de la misère générale, y compris parmi les jeunes instruits. Après avoir reconnu la vérité, il devient militant de l’organisation révolutionnaire de Bucovine, « l’étudiant rouge ». Entre 1930 et 1931, il est arrêté pour son activité et condamné à 6 mois de prison. A la sortie, il est exclu de l’université, et se consacre alors complètement au travail révolutionnaire. Persécuté et poursuivit par la police de Cernovitz, il émigre en Autriche puis en Palestine. Son travail porte ses fruits et après un temps, persécuté par les réactionnaires de Palestine, il reprend le chemin de l’exil. C’était vers le mois de juin 1936. Il arrivait à Paris quand commencèrent les événements d’Espagne. Sans douter un instant, il vint en même temps que les premiers volontaires du monde entier, pour lutter. La lutte côte à côte avec les jeunes volontaires révolutionnaires espagnols. Avec un fusil mitrailleur, se battant contre un tank fasciste, il fut tué le 3 janvier 1937 à Villafranca del Castillo.
Comme un vrai révolutionnaire, le jeune intellectuel conscient, a su manier l’arme de façon adaptée à la situation, (… ?).
Pour nous, les anciens volontaires des Brigades Internationales, chaque perte nous peine profondément. Mais la mémoire de ces faits illuminera et facilitera le chemin de la lutte dans cette direction, jusqu’à la victoire suprême dans le monde entier.
p. 7-8
Les événements d’une année de dictature royale
(traduction extraite de « Rundschau », 3 mars 1939)
Quand, l’année dernière, le roi Carol est entré en dictature, il a promis au peuple roumain qu’une ère nouvelle commencerait mettant fin aux injustices séculaires et à l’oppression. Pour remplacer le régime démocratique, qu’il fallait inévitablement rafistoler, il a annoncé la venue d’un régime «fort », de l’ « ordre »… et le bien-être des masses roumaines.
Un an s’est écoulé et il est maintenant possible de comparer les promesses et les faits. La dictature royale a complètement marginalisé le système parlementaire de Roumanie et n’a rien laissé de ses fondements juridiques ; mais elle n’a pas non plus créé un ordre stable, qui reposerait sur le droit des masses populaires. Elle a introduit un régime instable, basé sur l’injustice croissante et sur l’arbitraire des décisions du roi et de ses hommes. Non seulement les droits conquis par les masses depuis des siècles ont été anéantis, mais aussi les droits stipulés dans la constitution ont été annulés par décrets du roi Carol. En Roumanie, il n’existe plus qu’un seul droit : celui du roi et de sa chambre.
Ce ne sont pas seulement le prolétariat et la paysannerie qui se sont retrouvés amputés de leurs droits, à qui l’on a retiré toute liberté d’organisation politique et syndicale, liberté de presse et liberté d’association, de même qu’aux minorités nationales du pays, mais c’est aussi la bourgeoisie roumaine elle-même qui s’est retrouvée soumise aux élites réactionnaires du grand capital et de son allié la grande propriété.
C’est ainsi que se présente la « prédominance » politique des masses populaires roumaines promise par Carol. En ce qui concerne le bien-être matériel, promis par le roi, celui-ci consiste en un appauvrissement progressif du prolétariat et de la paysannerie et en la dégradation progressive des masses populaires. En un an, le chômage a augmenté dans les rangs du prolétariat industriel et agricole. Le salaire - si misérable - s’est effondré du point de vue de sa valeur nominale, et encore plus du point de vue de sa valeur d’achat en conséquence de l’augmentation des prix. Les capitalistes et les propriétaires terriens ont vu dans l’instauration de la dictature le signe de leur dédouanement de toute cotisation sociale telles que : les assurances sociales, l’aide aux chômeurs, etc…, qui reposent désormais entièrement sur les épaules de ceux qui travaillent. L’oppression des masses pour financer l’armement et les exportations a pris des proportions énormes, et le système de l’impôt sur la consommation (l’imposition des articles de consommation quotidienne en grande partie) est très lourd.
Sans parler du fait que les travaux physiques (dans de nombreux secteurs de l’industrie, la journée de travail est de 10 à 14 heures, parfois même de 16 à 18h), payés une misère, épuisent les masses ouvrières ; les taxations croissantes des impôts obligent les gens pauvres et de classes moyennes à vendre, à prix dérisoire, tous leurs biens. La sous-alimentation chronique et la faim se sont intensifiées depuis l’instauration de la dictature royale et ont ruiné les communautés rurales. La ruine physique et morale de la paysannerie est un phénomène reconnu par le gouvernement lui-même, phénomène qui se reflète dans les chiffres sur la faim, la sous-alimentation, la mortalité (la plus élevée du monde), l’analphabétisme, la criminalité, etc…
A la base de ce processus de dégradation des masses paysannes, il y a la différentiation forcée des classes sociales à la campagne ; la formation d’une couche supérieure de koulaks et de grands propriétaires agricoles capitalistes, créée suite à l’expropriation des paysans pauvres et de classe moyenne. La politique agraire de la dictature royale consiste à exproprier les paysans et à concentrer les terres entre les mains des koulaks et des propriétaires. La même politique est menée dans l’industrie et le commerce : le parti qui tient le monopole et qui est soutenu par la dictature royale favorise l’expropriation de la petite et moyenne bourgeoisie en faveur du grand capital, et la nouvelle répartition des biens économiques et des sources de richesse se fait sur le compte des partis démocratiques de la bourgeoisie roumaine.
La dictature royale est donc, au plein sens du terme, la force ennemie du peuple. Elle ne prive pas seulement le peuple de ses droits politiques, de ses biens économiques, elle est en outre incapable de le protéger de la terreur fasciste de la Garde de Fer, le danger fasciste intérieur et extérieur.
Par la persécution politique des minorités nationales face au péril fasciste à l’intérieur, le roi isole les masses roumaines des autres populations du pays, et par sa politique extérieure hésitante face aux menaces de l’Allemagne de Hitler, il isole le pays.
Après un an de dictature royale, les masses populaires sont plus convaincues qu’au début du fait que seule la lutte déterminée contre le péril fasciste intérieur et extérieur, la lutte pour le renversement du régime actuel et pour le rétablissement des droits du citoyen, peut constituer les prémisses de la renaissance des peuples de la Roumanie, de la disparition de la faim, de la misère et du désespoir moral, du péril de guerre et du péril fasciste, dans lesquels la dictature du roi Carol les a jetées.
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