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Histoire et mémoire : les guerres dans la guerre

André Marty et les Brigades internationales

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Histoire et mémoires : les guerres dans la guerre

Texte de Charlotte Vorms et Elodie Richard

 L’histoire de la guerre civile espagnole, lieu de mémoire militant majeur dans le monde entier, n’a cessé d’être l’objet de controverses souvent violentes, qui reflètent son caractère toujours aussi politique 80 ans après son déroulement. Cette histoire s’est longtemps écrite hors d’Espagne. Il a fallu attendre les années 1980 pour que les historiens travaillant en Espagne puissent se réapproprier cette séquence de leur histoire et en proposer un récit scientifique, fondé sur l’examen des archives espagnoles.

Le premier acquis de ces travaux historiques des années 1980 est d’avoir réaffirmé la cause du déclenchement de la guerre, à savoir un coup d’État militaire. Le 17 juillet 1936, l’armée du Maroc se soulève. Le général Franco, alors aux Canaries, appelle l’armée au soulèvement et part au Maroc prendre le commandement des troupes. Le lendemain, 18 juillet, de nombreuses garnisons de la péninsule répondent à l’appel et se soulèvent à leur tour.

À la question des causes de la guerre, qui avait animé à la fois l’histoire officielle franquiste et celle écrite par les historiens étrangers, les historiens espagnols en substituent une autre, à partir des années 1980 : pourquoi ce coup d’État a-t-il à moitié échoué, ouvrant la voie à une guerre civile ? En effet, syndicalistes et militants de gauche, depuis longtemps préparés à l’éventualité d’un coup d’État, s’opposent aux militaires insurgés, le 18 juillet, et dans de nombreuses villes, comme Madrid et Barcelone, ils parviennent à les arrêter. Le gouvernement légitime de la République décide de s’appuyer sur eux et distribue à partir du 19 des armes aux syndicats. Pour la première fois en Espagne, le peuple s’oppose au coup d’État militaire, témoignant de la profonde transformation que la société espagnole a connue depuis un tiers de siècle. La guerre civile commence alors entre une république démocratique, qui s’appuie sur une société civile en armes, et des militaires ayant perpétré un coup d’État. Derrière ceux-ci se rangent les groupes d’extrême droite et leurs milices, les monarchistes de divers bords, avec la bénédiction des cadres de l’Église espagnole, donnant à cette guerre civile l’allure d’une guerre de classes et d’une guerre entre forces progressistes et forces réactionnaires.

L’autre grande question, qui suscite les travaux des premiers historiens espagnols non franquistes de la guerre, est celle des causes de la défaite républicaine. Elle explique que l’aide extérieure soit un des premiers chantiers de recherche ouverts dès la fin des années 1970. La guerre civile – connue comme « guerre d’Espagne » hors d’Espagne – est d’emblée internationalisée. Immédiatement après le coup d’État, le général Franco demande l’aide de l’Italie et de l’Allemagne. Dès le 28 juillet, Mussolini envoie une escadrille de bombardiers et des avions de chasse en Espagne, et dès le 29 juillet, avions de transport et de chasse commencent à arriver d’Allemagne. Côté républicain, en revanche, l’aide internationale tarde à venir et se résume à l’Union soviétique et au Mexique. Le 21 août, en effet, la France et la Grande-Bretagne signent une déclaration de non-intervention. Les historiens ont montré que l’aide soviétique avait consisté à vendre cher – les réserves d’or de la Banque d’Espagne s’épuiseront à la financer – des armes de mauvaise qualité, livrées à partir du mois de septembre 1936, ainsi qu'à l’envoi de conseillers. Enfin, à l’automne 1936, sous l’égide des partis communistes, sont créées les brigades internationales. Celles-ci participent de l’internationalisation du conflit d’une manière particulière, puisqu’elles impliquent des volontaires civils de 53 pays différents. L’intervention internationale dans la guerre d’Espagne, qui a sans doute été décisive dans l’issue du conflit, est un trait distinctif de cette guerre civile. Elle trouve son écho dans une médiatisation de la guerre sans précédent, elle aussi à l’échelle internationale.

 

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