Un inédit d'Aragon

Mai-juin 1968 : Etudiants étrangers en France

CRAC

Notre camarade Aragon au moment même où les piquets de grève de Flins tombaient écrivaient les vers que l'on va lire.

Au sein même de la rédaction des LETTRES FRANCAISES un mouvement a pris corps pour priver le poète et le révolutionnaire de la parole, pour l'empêcher de s'exprimer dans les colonnes du journal qu'il a fondé.

Le comité d'action poétique et prolétarienne réprouve cette atteinte à la liberté d'expression dans un milieu qui jusqu'à maintenant  était à l'avant-garde du combat culturel prolétarien. Nous regrettons profondément que notre camarade Louis Aragon ait estimé, par discipline, faire passer le militant avant le poète, le centralisme démocratique avant les luttes ouvrières. Nous estimons donc de notre devoir de donner à ce poème la diffusion la plus large.

"Tu peux, Camarade Aragon renier ou démentir provisoirement tes POEMES DES BARRICADES. Comme Galilé obligé de se rétracter, et toujours fidèle à ton ardente jeunesse révolutionnaire, tu auras ouvert la voie, une fois de plus à la jeune poésie."

Sur les routes qui vont à Flins

Il y avait tant de polices

CRS CGT complices

Que l'on est resté en chemin

Les ouvriers de Flins se battent

presque sans aide et les menteurs

Ont appelé provocateurs

Ceux qui à leur secours se hâtent

Billancourt ne bougera pas

Les communistes sont aux portes 

propriétaires d'âmes mortes

Ennemis du prolétariat

Ce soir les cheminots oublient

Comment faire marcher les trains

Quand il s'agit d'aller à Flins

Et partout les grévistes plient

Honteuse fin de ce printemps

Qui commençait aux barricades

Ne l'oubliez plus camarades 

Le communisme a fait son temps.